Les Chroniques de la Nouvelle Calebaïs
Du départ du derniers des enfants de Mélisandre
Mélisandre de Merinita,
Nathanaël de Tytalus et Estrella de Bonisagus décidèrent
d'accompagner Maenwenn jusqu'à sa nouvelle demeure de Crintera.
Altaïr et Syndarion se proposèrent tandis qu'une demi-douzaine de
suivants, dont Wulfgär et Gros-Tom, étaient désignés pour assurer
la logistique. Frêne de la Branche Cassée, de passage à Calebaïs,
décida de partir à leurs côtés pour présenter et renouer le
contact avec la Domus Magnus Bjornaër. Les deux hippogriffes
récemment adoptés par l'Alliance permirent d'envisager un voyage
relativement rapide. Ma Maîtresse jeta des sorts sur ses compagnons
pour réduire leur taille et les plaça dans des paniers de transport
spécialement conçus pour l'occasion. Selon ses dires, ses allusions
au fait d'offrir en pâture aux Furetons quelques suivants pour les
entraîner à combattre des monstres de grande taille ne firent rire
que moyennement les soldats de la Turbula...
Le premier jour de voyage
passa sans difficultés. La troupe s'arrêta dans les Alpes,
au-dessus d'un hameau du nom de Curala. Une tempête de neige effraya
les hippogriffes, que seule la magie de Mélisandre permit de
rassurer. Pendant trois jours et trois nuits ils furent bloqués par
le vent glacial et la neige qui s'accumulaient. Altaïr et Syndarion
s'essayèrent à améliorer les conditions de bivouac grâce à leurs
talents respectifs, mais sans grand succès. Au troisième jour, ce
fut une dévastatrice avalanche qui causa grande peur aux Magi
mais une combinaison de pouvoirs bien employés permit à tous d'en
sortir en vie. Elle permit également de mettre la main sur du gibier
et d'améliorer l'ordinaire mis à mal par l'escale forcée dans la
montagne.
Lorsque enfin ils purent
reprendre la route des airs, ils décidèrent d'éviter tout arrêt
inopportun. Ils arrivèrent ainsi en vue de la forêt noire sans
autre incident. Un océan d'arbres sombres et lugubres dissimulait
la Domus Magnus des Bjornaër. Après plusieurs explorations infructueuses, ils découvrirent l'Alliance accrochée à une falaise.
Agencée aux abords d'une immense cascade dévalant un à-pic de 100
pas, la plate-forme d'accueil se trouvait au sommet du plateau, arboré
en une sorte d'épais maquis. Quelques escaliers végétaux
descendaient chaotiquement vers des alcôves et anfractuosités de la
paroi, laquelle abritait nombre de grottes et galeries. En contrebas,
la forêt dense d'arbres multi-centenaires aux racines gigantesques
semblaient abriter une vie nombreuse et variée. Un impressionnant
vol de chauve-souris, suivi d'un gros hibou, indiquèrent aux deux
hippogriffes la voie à suivre. A moitié dissimulées, de nombreuses constructions bâties de manière anarchique se disputaient la palme
de l'étrange : tanières, grottes, maisons, arbres sculptés,
cabanes... Les Magi se présentèrent au hibou et patientèrent
quelques instants avant de voir surgir un comité d’accueil : un
blaireau, un loup, un renard et un lapin.
Le blaireau se transforma
en un vieil homme vêtu de peaux, un grand bâton à la main lui
servant d'appui. Son visage semblait marqué par de nombreuses
marques animales, comme si de trop nombreuses transformations avaient
laissé leurs traces sur son corps. D'après ma Maîtresse, des
êtres Fae étaient présents, et elle se saisit de deux
d'entre eux, un crapaud et un hérisson. Elle embrassa le premier et
le posa sur sa tête, fière de son nouveau couvre-chef invisible
pour le reste de la troupe. Caressant le hérisson lové contre sa
poitrine, elle rejoignit la conversation qui s'était engagée,
notamment par l'entremise de Frêne et du renard qui semblaient se
connaître et s'apprécier mutuellement. La discussion tournait autour du contrat
d'apprentissage de Maenwenn, et de la résurrection de Calebaïs. La
troupe suivit le vieil homme le long d'un étroit escalier de pierre
creusé dans la falaise, avant de pénétrer dans une anfractuosité
où dormaient plusieurs autres animaux. Le renard prit le relais à la tête
de la petite colonne jusqu'au sol de la forêt d'arbres aux formes
étranges sans nul doute modifiés par magie. La terre était
criblée de trous et de galeries qui expiraient un étrange
ronflement.
Levant la tête, les
membres de la troupe découvrirent avec stupeur la falaise sculptée
qu'ils avaient traversée sans la voir. Un temple romain d'une grande
beauté était creusé dans la roche et pour ceux disposant du don de
double-vue, dissimulait un véritable complexe de temples. Estrella
murmurait et suggéra à ses compagnons qu'il devait s'agir d'un
puissant centre de rituel. Nathanaël, frustré de ne pas voir
derrière les illusions s'en ouvrit à ma Maîtresse, qui lui offrit
le crapaud, toujours invisible à ses yeux, et lui conseilla de l'embrasser pour
gagner pendant quelques instants son don. Méfiant, le Magus
de Tytalus demanda à l'être féerique de lui offrir son concours,
mais il ne récolta qu'un coup de langue visqueux et l’irrépressible
fou-rire de Mélisandre. Finalement il se résolut à se laisser aller à rêver pour franchir le Regio et pénétrer dans l'étrange
sanctuaire.
Un homme en toge engagea
la conversation avec Nathanaël et Estrella, tandis que Mélisandre,
assise non loin, boudeuse, lui jetait de petits cailloux. Un fantôme.
De nouveau intéressée, ma Maîtresse ignora l'excitation de la Maga
de Bonisagus et explora les environs pour réaliser une farce au
revenant. Elle se dissimula derrière une statue et enchanta sa voix
pour beugler un tonitruant « Mercure est en colère ! Danse
pour moi infidèle ! ». Subjugué, le fantôme demanda à
Estrella de danser avec lui pour apaiser le dieu. Mélisandre battit
la mesure en riant sous le regard courroucé de Nathanaël.
L'agitation attira l'attention de nombreux animaux et de Spyridon,
qui, prit d'une soudaine inspiration, se mit à jouer comme jamais.
Peu à peu une ombre pâle apparut à ses côtés et un silence
d'outre-tombe remplaça la musique tandis que le barde laissait peu à
peu ses bras retomber, les yeux hagards. « Eurydice ? »
demanda-t-il à l'apparition avant d'entamer une longue et passionnée
discussion avec elle. Grommelant et pestant contre le silence pesant,
Mélisandre s'éloigna en direction d'une nouvelle horde d'animaux
menée par un furet. Nathanaël se présenta, lui et l’objet de
notre visite. Le furet acquiesça et demanda selon l'ancienne coutume
à voir les capacités de Maenwenn. Un cercle d'animaux se forma à
l'extérieur et l'enfant prodigue des Magi se montra
particulièrement espiègle et joueuse avec les bêtes rassemblées.
Adulf, le furet, tapa du pied et l'enfant lycanthrope se transforma
en loup sous l’œil appréciateur des Bjornaër présents.
Un loup sortit du cercle
et se présenta devant l'enfant métamorphosé. Un ours en fit de
même et gronda, tentant d'intimider son adversaire. Nathanaël
profita de la situation pour glisser quelques invitations orales pour
les jeux de Calebaïs, une idée lui tenant à cœur de défis de
créatures magiques. Les deux Magi s’affrontèrent dans un
Certamen utilisant les Arts Creo et Imagonem que
les spectateurs décrivirent comme un étrange labyrinthe illusoire
dont Maenwenn était la porte. Hermann, le Magus ursidé, en
fut le vainqueur. Le contrat étant déjà détaillé, et les
contractants en acceptant les clauses, la troupe en profita pour
négocier des accords commerciaux, et proposer certaines des
productions les plus rares de Calebaïs, notamment son vélin, ses
plumes et son encre. Joseph, un sanglier se proposa pour guider la
troupe vers le nord et les marécages inexplorés s'y trouvant dont
les Magi avaient trouvé l'existence dans de vieux registres
récemment restaurés de Calebaïs. Selon ces écrits, une puissante
magie et sans nul doute une grande récompense reviendrait à ceux
qui oseraient s'y aventurer.
La suite...
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