Empedocle
Extrait de la Vision de l'Archimagus Wiki de Pédia
Empédocle est un
philosophe,
poète,
ingénieur et
médecin grec de
Sicile, du
Ve siècle av. J.-C. Il appartient aux
présocratiques, les premiers philosophes qui ont tenté de découvrir l'
arkhè du
cosmos, son fondement. L'originalité d'Empédocle est de poser deux principes qui règnent cycliquement sur l'univers, l'
Amour et la
Haine. Ces principes engendrent les
quatre éléments dont sont composées toutes les choses
matérielles :
l'eau, la terre, le feu et l'éther (ou l'air). L'Amour est une force
d'unification et de cohésion qui fait tendre les choses vers l'unité
(par exemple les organismes vivants) ou même
l'Un quand il s'agit du cosmos. La Haine est une force de division et de destruction qui fait tendre les choses vers le multiple.
Empédocle privilégie la forme
poétique pour décrire sa philosophie dans deux poèmes dont il ne nous reste que des fragments :
De la nature et les
Purifications. Il est influencé par
Parménide (auteur lui aussi d'un poème
De la nature) et de ce fait, parfois rattaché à l'
école éléatique. Il reçoit également l'influence de
Pythagore, notamment à propos de l'un et du multiple (
Diogène Laërce en fait un membre de l'
école pythagoricienne). Il passe pour un
magicien, et parfois pour un
mystique. La source principale des fragments conservés d'Empédocle est l'œuvre d'
Aristote. Il se peut que la doctrine de l'Un et de l'Amitié d'Empédocle ait été influencée par le
zoroastrisme d'Orient.
Les fragments d'Empédocle ont été commentés avec enthousiasme par des poètes et des esprits méditant sur le cosmos, comme
Lucrèce,
Hölderlin,
Nietzsche et
Bachelard.
Romain Rolland a été un critique fervent d'Empédocle, Rolland affirmant qu'Empédocle « représentait pour son temps l'homme universel ». Une légende raconte qu'il serait mort en se jetant dans l'
Etna. Cette légende alimente les rêveries sur sa vie et sa philosophie : Hölderlin en tire une tragédie,
La mort d'Empédocle, et Bachelard construit un « complexe d'Empédocle » dans ses ouvrages sur le
feu.
Il s'agit du désir inconscient d'être consumé, détruit par les flammes.
Dans les années 1960, la philosophie d'Empédocle est reconstruite et
intégralement commentée par
Jean Bollack.
Biographie
Les dates de naissance et de mort d'Empédocle ne sont pas certaines : il vécut probablement entre
490 et
435 av. J.-C.
Sa vie nous est mal connue et a parfois un caractère légendaire
manifestement dû à sa personnalité quelque peu excentrique. Il fut un
personnage important d'
Agrigente, défenseur de la démocratie. Il fut banni et termina sa vie dans le
Péloponnèse. D'après une légende, dont l'historicité est suspecte et non avérée, Empédocle se jeta dans les fournaises de l'
Etna en abandonnant sur le bord une de ses chaussures, preuve de sa mort. Cette histoire est réfutée par
Strabon.
Empédocle fut sans doute le plus étrange et le plus excentrique des
Présocratiques : il est, selon
Nietzsche, « la figure la plus bariolée de la philosophie ancienne».
« Il s'habillait de vêtements de pourpre avec une ceinture d'or, des
souliers de bronze et une couronne delphique. Il portait des cheveux
longs, se faisait suivre par des esclaves, et gardait toujours la même
gravité de visage. Quiconque le rencontrait croyait croiser un roi » (
Favorinus d'Arles).
Il a écrit sa pensée sous la forme de deux poèmes, peut-être réunis en un : 1) le Περὶ Φύσεως /
Peri phuseôs (
De la nature), 2) les Καθαρμοί /
Katharmoi (
Purifications). Il nous en reste environ quatre cents vers. Il faut ajouter un papyrus fragmentaire du
Ier siècle, découvert à Strasbourg, édité en 1999
Empédocle fut à la fois
ingénieur,
philosophe,
thaumaturge et
poète. Il serait également le premier à avoir rassemblé des observations sur ce qui allait devenir la
rhétorique
Place dans la philosophie antique
Sa pensée est influencée par l'
Orient, l'
orphisme et le
pythagorisme.
Il y a, sur la sensation, de nombreuses opinions, qui peuvent se
réduire à deux générales : les uns la font produire par le semblable,
les autres par le contraire.
Parménide, Empédocle et
Platon sont au nombre des premiers ;
Anaxagore soutient la seconde thèse.
On retrouve des fragments des écrits ou de la pensée d'Empédocle chez
Platon (dans la
République), chez
Aristote (dans la
Métaphysique) ou encore dans le
Dialogue sur l'Amour de
Plutarque.
Théophraste dit dans son ouvrage
Des Sens, qu'Empédocle fut l'
émule de
Parménide et qu'Empédocle disait le noir fait d'eau et le blanc fait de feu.
Philosophie
Cosmologie
Sa doctrine physique fait des
quatre éléments (le Feu, l'Air, la Terre, l'Eau) les principes composant toutes choses.
« Connais premièrement la quadruple racine
De toutes choses : Zeus aux feux lumineux,
Héra mère de vie, et puis Aidônéus,
Nestis enfin, aux pleurs dont les mortels s'abreuvent. »
Premièrement il y a le problème de l'interprétation. Zeus, dieu de la
lumière céleste, désigne le Feu ; Héra, épouse de Zeus, désigne l'Air ;
Aidônéus (Hadès), dieu des enfers, désigne la Terre ; Nestis (Poséidon)
désigne l'Eau. Cependant, pour
Stobée, qui semble moins crédible,
Héra
est la Terre, Aidônéus est l'Air. Deuxièmement, il y a le problème de
l'ordre. Empédocle dit Feu/Air/Terre/Eau. Plus logiquement, Aristote
établit la série : Feu, Air, Eau, Terre. Troisièmement, il y a le
problème de la complétude. Combien d'Éléments ? Le jeune Aristote et
l'auteur de l'
Épinomis ajouteront un cinquième Élément, qui est donc la quinte essence : l'
Éther.
À ces Éléments s'ajoutent les Forces de l'
Amour et de la Haine : l'Amour rapproche même ce qui est dissemblable, et la Haine sépare ce qui est joint :
« À un moment donné, l'Un se forma du Multiple, à un autre moment, il
se divisa, et de l'Un sortit le Multiple — Feu, Eau et Terre et la
hauteur puissante de l'Air. »
La dualité et l'opposition des forces d'Amour-Haine s'appliquant sur
ces quatre Éléments subit en outre une alternance : à un état où règne
seul l'Amour et où tout est uni (le
Sphairos -
σφαῖρος - rappelant la sphère de
Parménide),
succède l'introduction progressive de la Haine jusqu'à complète
séparation des Éléments, l'Amour réapparaissant alors ramène les choses à
l'unité et vers un nouveau cycle :
« Car ils prévalent alternativement dans la révolution du cercle, et
passent les uns dans les autres, et deviennent grands selon le tour qui
leur a été assigné. »
Empédocle situe notre époque dans une phase de progression de la Haine : du
Sphairos s'est séparé l'Air (atmosphère), puis le Feu (lumière du jour, étoiles), la Terre, et de la Terre l'Eau.
La description de la génération des êtres vivants obéit au même
double mouvement : d'un état primitif d'androgynie à la génération
sexuée sous le progrès de la Haine ; membres solitaires et errants
cherchant à s'unir dans la phase de réunion sous l'impulsion de l'amour
(« têtes sans cous, bras nus privés d'épaules, des yeux vagues dépourvus
de fronts »).
Du Ciel
Statue d'Empédocle, à Vienne.
Pour Empédocle, par l'action du ciel, la Terre reste tranquille par l'effet d'un tourbillon qui l'entoure ; pour
Anaximène,
Anaxagore et
Démocrite, elle est une vaste et plate huche. Empédocle a proposé, le premier en Occident , une explication correcte des
éclipses de Soleil.
Médecine
La combinaison et les propriétés des quatre éléments déterminent la santé ainsi que les tempéraments et caractères.
Sciences
Pour
Empédocle, c'est le sang qui détermine la pensée, car c'est surtout dans
le sang que se tempèrent réciproquement les divers éléments.
Religion
Son
enseignement religieux fait une grande place à la nécessité de la
purification. Il croit en la transmigration des âmes et conçoit le cycle
des existences comme une expiation :
«
Si jamais l'une des âmes a souillé criminellement ses mains de sang, ou a
suivi la Haine et s'est parjurée, elle doit errer trois fois dix mille
ans loin des demeures des bienheureux, naissant dans le cours du temps
sous toutes sortes de formes mortelles, et changeant un pénible sentier
de vie contre un autre.
»
« Car je fus, pendant un temps, garçon et fille, arbre et oiseau, et poisson muet dans la mer. »
— Empédocle, De la Nature, fragments, 117
Ce faisant, Empédocle conçoit que les hommes s'entretuent en mangeant
de la chair des animaux ou en les mettant à mort, péché qui conduit à
se réincarner en victimes de la violence (à la manière de la rétribution
des actes –
karma, dans l'
hindouisme ou le
jaïnisme) :
« 136. Ne cesserez-vous jamais le douloureux carnage ? Ne voyez-vous
pas que c'est vous-mêmes que vous égorgez stupidement ? 137. Le père
saisit son fils qui a changé de forme, et l'égorge, en accompagnant son
meurtre d'une prière, ô le sombre insensé ! Les assistants s'empressent
d'aider au sacrifice de la victime qui implore. Le criminel, sans égard
pour les supplications, l'égorge et prépare dans son palais un
abominable festin. De même le fils saisit son père, les enfants leur
mère, et leur arrachant la vie, dévorent leur chair. (…) 139. Hélas !
pourquoi un jour impitoyable ne m'a-t-il pas fait disparaître, avant que
mes lèvres aient connu l'acte criminel de la nourriture ? »
— Empédocle, Purifications, fragments, 136, 137 et 139
Végétarisme
En
accord avec sa théorie de la transmigration des âmes des êtres vivants,
son enseignement condamnait les rituels sanglants (Empédocle offrait
des « taureaux » faits de farine lors des sacrifices) et prônait le
végétarisme, régime alimentaire des
pythagoriciens, les propos, à ce sujet, de ses commentateurs antiques précisant :
« L'école de Pythagore et d'Empédocle d'Agrigente
et le reste des Italiens enseignent que nous sommes apparentés non
seulement entre nous et aux dieux, mais aussi aux animaux privés de
raison ; qu'en effet unique est le souffle qui parcourt tout l'univers à
la manière d'une âme et qui nous unit à ces êtres. C'est pourquoi, en
les tuant, en les mangeant, nous commettons une injustice et une
impiété, car nous détruisons des congénères. En conséquence de quoi ces
philosophes ont conseillé de s'abstenir de ce qui a vie et ils ont
imputé une impiété aux hommes qui rougissent de carnage chaud l'autel
des Bienheureux. Empédocle dit quelque part (fr. 136) : « Cessez donc ce
massacre aux clameurs funestes. Ne voyez-vous pas que vous vous
entre-dévorez dans l'inconscience de votre esprit ? » »
« Mais Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût eu vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il distribua à toute l'assemblée des jeux olympiques. »
— ATHEN.
I,
5e –
Hermann Diels,
Die Fragmente Der Vorsokratiker.
Ce qui est confirmé par des fragments directs d'Empédocle :
« 144. Jeûnez de la méchanceté ! (— R. P. 184 c.)»
Ou, ici, Empédocle parlant de ceux qui avaient « acquis la divine sagesse » sans « opinion confuse sur les dieux » :
« 128. Ils n'avaient pas encore Arès pour dieu, ni
Kydoimos, ni non plus le roi
Zeus, ni
Kronos ni
Poséidon, mais
Cypris,
la reine... Ils se la rendaient propice par de pieux présents, par des
figures peintes et des encens au subtil parfum, par des offrandes de
myrrhe pure et des baumes à la douce senteur, répandant sur le sol des
libations de miel brun. Et l'autel ne ruisselait pas du sang pur des
taureaux, mais c'était parmi les hommes le plus grand crime que de
dévorer leurs nobles membres après leur avoir arraché la vie. (— R. P.
184.)»
De plus, Empédocle, comme
Parménide et
Démocrite, considère qu'il n'y a pas d'être vivant privé de raison :
« Ainsi tous les êtres, par la volonté de la Fortune, sont doués d'intelligence. »
— Empédocle, De la Nature, fragments, 103
Postérité
Le complexe d'Empédocle
Gaston Bachelard applique sa « psychanalyse des convictions subjectives relatives à la connaissance des phénomènes du feu » (
La Psychanalyse du feu)
à l'attitude contemplative, à l'attention particulière du rêveur devant
le feu. Il en dégage les caractéristiques du « complexe d'Empédocle »,
où s'unissent, pour l'« être fasciné » à l'écoute de «
« l'appel du bûcher »,
amour et respect du feu, instinct de vie et de mort. Pour ce rêveur,
« la destruction [par le feu] est plus qu'un changement, c'est un
renouvellement. »