lundi 14 novembre 2011

La libération de la Reine Dryade, extraits de journal

1155, trois jours avant le solstice d'été

La forêt annulaire est excitée. Une sensation d'attente exacerbée se fait de plus en plus vive. La Cour de Lumière doit sans doute préparer un évènement d'importance pour le solstice. Il faut que je pense à demander à Nathanaël s'il souhaite m'accompagner ; il a besoin de se dérider.

1155, solstice d'été

Nathanaël a accepté de me suivre. La forêt murmure son excitation et sa hâte mais mon compagnon ne semble pas les percevoir. L'herbe de Momool et un peu d'eau de vie féerique font rapidement leur œuvre et je suis presque obligée de veiller sur lui. Ce grand idiot se prend pour un poisson et m'oblige même à utiliser ma magie pour lui éviter de se faire mal. 

Plus nous pénétrons au cœur de la forêt et plus les sensations sont puissantes. Je peux entendre les arbres gémir de contentement sans même me concentrer. Les animaux comme les fées semblent se rendre auprès du cercle de chênes que j'ai planté il y a quelques saisons. Je sens l'aura des lieux devenir de plus en plus puissante. Mon sang bout et mon esprit ne pense plus qu'à prendre du plaisir. La partie Fae de mon être se sent libérée. Nathanaël est un parfait exutoire pour mes pulsions et je ne pense pas que l'eau de vie soit responsable de son état... J'ai néanmoins gardé une once de contrôle de moi-même, au cas où. Des triplés sont bien suffisants.

Une fois un peu calmés nous avons entendu une mélodie au loin. Je reconnais immédiatement la flûte de pan du Satyre musicien. Une nouvelle fois sa magie entraîne une valse d'émotions chez ceux qui l'écoutent. Nous passons de la colère à la paresse, de la concupiscence à la faim dévorante. C'est presque en transe que nous parvenons en une immense clairière, longue de plusieurs centaines de pas. Nimbée de lumière, elle est parcourue de ruisseaux de vin, les arbres tendent leurs branches pour offrir leurs fruits murs au peuple de la forêt tandis qu'une orgie phénoménale agite créatures des bois, fées et même certains de nos suivants au sang féerique qui n'ont pu résister à l'appel de l'Arcadie. Même Soeur Malores est là!

Tout autour de nous les arbres s'animent, dansant autour des corps exaltés. Les fleurs prennent vie, volant, dansant, chevauchant les êtres féeriques. Elles forment d'étranges farandoles, ondulant dans la brise. Peu à peu tous les êtres présents forment une immense ronde autour du musicien Satyre et se mettent à réaliser une formidable gigue endiablée. Au dessus de nous un arc en ciel apparaît tandis qu'une légère bruine vient apaiser nos corps épuisés. La puissance de la féerie est telle qu'il me semble apercevoir des sensations que je n'ai perçu que lors de ma visite en Arcadie il y a de cela quelques années. Et puis, tout s'apaise, tout cesse lentement. La lumière décroit, la farandole se brise, chacun semble retrouver ses esprits. J'ai précieusement conservé contre mon sein un peu de vin et quelques fruits, afin de faire profiter Sylvia de la fête. Je ne peux qu'imaginer la peine qu'elle ressent. Si près de sa véritable nature et à jamais prisonnière...

1155, lendemain du solstice

Nous avons passé la nuit dans la forêt avec Nathanaël. Il faut que je fasse attention, je pense qu'il est en train de tomber amoureux. Je ne sais pas s'il comprend que nous autres Fae ne pensons pas comme les humains à ces choses triviales... En rentrant vers Calebaïs, perdue dans mes pensées, je m'aperçois que les fleurs sont toujours animées. Nathanaël ne voit pas les fleurs chanter et gambiller mais, selon lui, elles sont pleines de Virtus. Il faudra un jour que je vérifie si tous les êtres féeriques sont des sources de Virtus potentielles...

Nous apportons les mets récoltés la veille à Sylvia qui pour la première fois me révèle qu'elle est la Princesse de la Cour de Lumière de la forêt. Jadis Mormool la lia à la Colline pour contraindre la féerie à se plier aux règles de l'Alliance. Moi qui pensais que Mormool était sympathique... Je propose à Nathanaël de la libérer et ce dernier n'y voit pas d'inconvénient. Et puis après tout je suis chargé de veiller aux rapports avec l'Arcadie selon le Conseil. On verra bien ensuite ce qu'ils diront... Heureuse d'être bientôt libre, elle m'offre une orchidée que je plante peu après dans le jardin du cinquième niveau. Elle est un peu prétentieuse, mais je pense que l'on va bien s'entendre.

1155, deuxième jour après le solstice

Nous retournons au cercle de chênes pour demander l'aide des sujets de Sylvia. Les guirlandes de fleurs semblent attentives, et même les Satyres cessent leurs activités pour nous écouter. Une farandole invisible (enfin, pour Nathanaël) dépose alors à nos pieds des centaines de fruits. Ils nous sont offerts par un Centaure, que je salue bien bas. C'est le consort de Sylvia me glisse une des fées en gloussant. Il est très beau en tous cas. Les fruits sont plein de Virtus Herbam selon Orion, mais ils doivent être transformés pour être utilisables. Heureusement Marthe se souvient d'un vieil alambic inutilisé qu'elle a mis au rebut lors de notre installation. Luigi Vasco de Firenze, notre alchimiste, trouve enfin une utilité et se met immédiatement au travail. Selon lui il faudrait près de 3 lunes pour distiller le Virtus et le rendre utilisable. Il va falloir attendre pour sauver Sylvia.

1155, quinzième jour du huitième mois

L'alchimiste nous apprend que le Virtus est fin prêt. Orion glousse de plaisir en découvrant quinze pions. Je ne comprendrai jamais sa fascination maladive. Enfin... Heureusement que je n'ai rien dit sur mon intention de le dépenser pour libérer Sylvia.

[Intermède humoristique: Le meujeu tanne les joueurs pour qu'ils nomment enfin les enfants de Mélisandre et Nathanaël. Pour l'enfant-plante, futur Mage Herbam, Cyril propose Sylvestre, sans aucune réaction du meujeu. "On peut l'appeler gros-minet sinon, concluera-t-il...]

Douegar et Maenwenn ont demandé à venir pour la cérémonie. Leur nurse est là pour les surveiller. Je crois avoir eu une magnifique idée en trouvant une sang-mêlée féerique pour s'occuper d'eux... Je demande à Sylvia de rejoindre la lisière de son domaine, au plus prêt de la forêt annulaire. Les fées font de même de leur côté. Ils sont si proches qu'ils pourraient se toucher mais ils ne peuvent franchir l'invisible barrière. La Dryade se met à pleurer, libérant des milliers de pétales qui s'envolent. Heureusement, j'ai le réflexe de les récupérer. Je ne sais pas encore ce que j'en ferrai mais ça peut toujours servir. Le beau Prince de Sylvia est venu. Je lui fais des sourires mais je ne suis pas sûre qu'il ne me voit.

J'ai longtemps réfléchi à la manière de concentrer l'énergie des Fae au service de Sylvia à notre magie hermétique. Malheureusement je ne connais aucun rituel capable de briser un enchantement. Je décide finalement d'utiliser la vieille prière de la Maison Diedne et d'improviser au fur et à mesure. C'est une approche spontanée, mais qui sait ... Le musicien Satyre m'accompagne à la flûte, s'inclinant profondément devant sa Reine et le Prince consort. Soeur Malores que je n'ai pas vu arriver chante doucement de sa belle voix. De nombreux suivants ont ressenti l'appel de la Cour et sont présents. Il y a même des villageois de Lacombe, c'est dire ! Finalement, je verse mon sang à l'aide de l'antique dague Diedne juste sur la frontière entre la forêt et la colline, et j'offre en sacrifice les quinze pions de Virtus Herbam et une tour de Virtus Imagonem.

La première chose que je pense c'est cela a dû marcher. En effet, la Cloche d'Ibyn se met à sonner pendant trois longues minutes. De nombreux habitants de l'Alliance sortent pour comprendre ce qui se passe. Nathanaël jette un sort pour leur dissimuler notre action. Il me semble qu'il a fait apparaître une grande comète dans le ciel. Je crois que c'est à ce moment que je me suis évanouie. D'après ce qu'il m'a dit, Sylvia et son Prince sont partis dans la forêt, escortés par la Cour dans son ensemble ainsi que les Satyres du Sauvage. D'après Nathanaël, l'aura de l'Alliance comme celle de la forêt ont immédiatement augmentées suite à la destruction de l'enchantement. Je suis fatiguée mais heureuse.

1155, seizième jour du huitième mois

Le réveil est difficile. J'ai offert beaucoup de mon sang à la Terre mais cela en valait la peine. Nathanaël m'a dit que Douegar et Maenwenn étaient partis dans la forêt à la suite de la Cour. Je suis trop faible pour aller les surveiller mais ils ont presque quatre ans, ils pourront se débrouiller pendant quelques jours. D'après Orion un cerisier est en train de pousser à l'endroit où mon sang a été versé. Il mettra plusieurs années à atteindre sa taille définitive mais ce sera un bel arbre m'assure-t-il. J'ai oublié de le noter mais il semblerait que Drininkeana possédait un second Laboratoire, ou du moins un Sanctum, dans la forêt. Lorsque j'aurais le temps, une petite promenade pourrait être bénéfique... Sylvia me guidera peut-être ? Nathanaël ne veut pas que l'on parle du rituel Diedne aux autres. Je crois qu'il ne leur fait pas entièrement confiance. En même temps les Tytalus sont connus pour leur culture du secret et du non-dit. Mais il est vrai que la Maison Diedne fut anéantie et son nom maudit par l'Ordre ; ne pas ébruiter l'affaire ne peut pas faire de mal.

1155, vingtième jour du huitième mois

Les enfants m'ont demandé de rester quelques temps avec les Fées. Après tout, ils feront moins de dégâts à la Cour que dans un Laboratoire. Sylvia est très heureuse de sa libération et m'a présenté son consort. Il est un peu timide pour un Fae, mais en même temps c'est un Centaure. La Cour nous offre le plein usage d'une source de Virtus Herbam pour nous remercier de notre aide. J'espère qu'Orion râlera moins pour les dépenses occasionnées quand il sera au courant...

La suite...

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