dimanche 14 juillet 2013

Les Contes de Dame Mélie: dix-huitième Chapitre

Les Chroniques de la Nouvelle Calebaïs

D'anciens secrets disparus et de la mortalité des Magi

Laissant Maenwenn sur place en quête de nouveaux repères, espérant qu'elle découvrit rapidement sa place au sein d'une Alliance vieillissante, la Troupe partit pour les lointains marécages maudits. Ma Maîtresse, faisant preuve de son habituel humour, ne cessa durant le trajet de parler des diverses méthodes de cuisiner le porc avec son cuisinier, Gros-Tom. Le Magus Bjornaer, transformé pour l'occasion en oiseau, ne releva pas les provocations gratuites et les deux hippogriffes purent faire escale non loin de la cité fortifiée de Luxembourg. L'immense promontoire rocheux entouré par une rivière protège une ville prospère, où de nombreuses auberges permirent à une partie des Magi et de leurs servants de se détendre quelque peu. Malheureusement, et ma Dame n'en fut le témoin qu'indirect, les choses dégénèrent rapidement et Altaïr dut amener Mélisandre tenter de ramener le calme dans un lieu de débauche où le stupre se disputait à l'ivresse et à la violence. Nathanaël de Tytalus, souhaitant que fut tu sa participation dans cette orgie bien éloignée de la retenue habituelle des Magi, effaça l'esprit des servants quand aux évènements de la nuit et menaça Altaïr et Spyridon de représailles en cas de paroles inconsidérées. Les quolibets de ma Maîtresse le poussèrent à s'éloigner du campement et à assister à la toute puissance de la tempête qui s'abattait sur la région. Un immense chêne qui avait sans doute assisté à la défaite des peuples celtes face aux romains fut frappé par la foudre, et trois branches brisées recueillies par le chasseur de Démons.


Après une deuxième journée de vol, la Troupe parvint en vue d'une gigantesque tourbière, à l'odeur pestilentielle. Des cloques de gaz mortifère crevaient la surface de l'eau croupie tandis que des esprits en peine revivaient pour l'éternité leur mort souvent affreuse. Des feux follets et d'autres lucioles difformes naissaient, erraient et mourraient sous les yeux abasourdis des Magi discernant la vérité au-delà des illusions. Nathanël de Tytalus, souhaitant sans doute rattraper ses erreurs, découvrit cinq sources potentielles de magie dans les environs, et en informa ses compagnons, et notamment Mélisandre qui se désintéressait de la scène, agitant son épée féerique sous les yeux des fantômes ou proposant des voies à suivre à travers les marais. Finalement la Troupe décida d'explorer minutieusement les lieux repérés par Nathanël, et se rendit près d'un arbre mort entouré d'amoncellements d'ossements. Estrella de Bonisagus, faisant fi des avertissements, commença à fouiller parmi les os, découvrant notamment une ancienne fibule et les os magiquement conservés d'un squelette.

Le second lieu repéré par Nathanël se trouvait être un étang jonché de cadavres putrescents flottant à sa surface verglacée. Les deux hippogriffes, stressés par la bise hivernale bien incongrue, se firent difficiles à contrôler. Ma Maîtresse, souhaitant apercevoir ce que dissimulait les flots obscurs, utilisa sa magie pour dégager la pellicule de glace à la surface. Bien mal lui en prit. Les éclats de glace se condensèrent, se concentrèrent en tourbillons de plus en plus imposants. Les cliquetis pétrifiant sonnaient tels un carillon qui glaçait le sang. Avec difficulté car bien différent des élémentaires dont il avait le contrôle à Calebaïs, Nathanaël contrôla la créature primale et s'en servit pour soulever et écarter l'étendue d'eau, révélant plusieurs objets magiques oubliés depuis des siècles ainsi que du Virtus. Encouragés par deux succès plutôt aisés, la Troupe se rendit sans grande précaution au milieu d'une immense plaine balayée par le vent.

Deux titanesques armées de fantômes s'y affrontaient depuis des siècles et des siècles, inconscientes de leur funeste destin. Estrella, fidèle à ses habitudes face à des morts, rejoignit les combats en pénétrant dans le Regio. Elle discuta longuement avec l'ancien prêtre de Mars et finit par le convaincre, accédant ainsi au reste de l'état-major. De son côté Mélisandre tentait de se faire comprendre des germains, imitant un général au combat en suivant les charges barbares. Nathanaël et Spyridon, comprenant ce qu'essayait de faire la Maga Bonisagus, s'efforcèrent eux-aussi de convaincre les fantômes de la vacuité de leur combat. Peu à peu les émanations disparaissent tandis que ma Maîtresse entama une dernière danse avec les sauvages prêtres païens. Déçue de leur disparition, elle ignora Estrella et le prêtre de Mars qui discutèrent longuement avant qu'il ne rejoigne les Abysses... Pendant ce temps le reste de la troupe explorait l'ancien champ de batailles, y découvrant de nombreuses ressources magiques oubliées depuis des siècles.

De retour à l'étang, ils décidèrent de monter un campement lourdement protégé magiquement, l'atmosphère des lieux, sombre et désespérée, ne poussant pas à l'enthousiasme une fois la nuit tombée. Bien leur en prit. Au petit matin, un grand flash lumineux et le tonnerre réveillèrent la Troupe endormie. Une créature titanesque, une pieuvre démoniaque aux longs tentacules plus long que le cou du plus grand des dragons, terminés par des becs terrifiants, testait leurs défenses. Joseph tenta de se faufiler mais manquant de se faire happer, revint à l'abri des cercles de protection. D'après Nathanaël, la monstruosité infernale était au service de quelqu'un, ou de quelque chose. Alors pendant de longues heures il se concentra pour activer son pouvoir le plus puissant et brûler d'une froide flamme bleutée le démon. Et midi advint. Le soleil traversa les nuages, un ange descendit des cieux dans le flot de lumière. Le sol à ses pieds prit vie, fleurs et insectes se rependant à la suite du feu divin. Estrella de Bonisagus, terrifiée, s'éloigna le plus possible de l'apparition tandis que Mélisandre entonnait une antique prière Diedne de la manière la plus tonitruante possible. L'ange ramassa quelque chose, sans nul doute le cœur de la bête, et le plaça dans le rayon de lumière. Les membres de la Troupe regardèrent l'ange se rapprocher et Wulfgär dut prendre ma Maîtresse à bras le corps pour la faire reculer. Elle essayait en effet de toucher le séraphin en lui jetant des cailloux qui se transformèrent un à un en papillon. Les cercles de protection autour d'eux disparurent dans un jet de lumière et la créature divine posa la main sur la tête de Nathanaël, blanchissant en un instant ses cheveux. A la demande de ce dernier, l'Archange, car il s'agissait de Michel, purifia le Virtus, en divisant les quantités par deux sous les insultes de Mélisandre. Il se tourna alors vers elle et lui apposa une malédiction qui la fait vomir encore aujourd'hui, ne plus pouvoir parler lorsqu'elle se trouve en présence d'une église ou d'un puissant symbole religieux. Avant de reprendre son envol vers le ciel, Michel le Pourfendeur du Démon remit son épée, un gigantesque estramaçon, au Magus Tytalus. Et ainsi débuta la seconde crise qui mit en péril l'Alliance de Calebaïs.

La suite.

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